Visite au Collège Elsa Triolet

La construction du Bois l’Abbé date des années ’60, inspirée par la crise du logement à cette époque. Sa conception était celle d’une cité à part, tournée vers l’intérieur, avec la rue Boileau en ceinture. Tout y était géré par les organismes de HLM, même les routes jusqu’aux années ’80 !

La situation a surtout changée avec l’ambitieux projet de reconstruction de l’ANRU lancé dans les années 2000. L’habitat a été reconstruit ou rénové, avec l’introduction d’une petite part de logement en accession. La Maison pour tous et la Salle familiale, construites en contre bas, ouvrent des horizons par les activités qui y sont organisées et par l’aspect moins fonctionnel de l’architecture. Et aujourd’hui le centre du Bois l’Abbé n’est plus enfermé mais s’ouvre sur le quartier de Coeuilly par une esplanade aménagée et bien éclairée.

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La nouvelle rue Carpeau qui ouvre le Bois l’Abbe sur l’avenue Salvador Allende et le quartier de Coeuilly

Ce travail de reconstruction n’est pas terminé et l’ANRU 2, qui concernera l’ouest du quartier, est en préparation. Le Bois l’Abbé reste caractérisé par des revenus familiaux très limités, ce qui justifie son statut de REP+ pour l’Education nationale. Il y a seulement trois quartiers REP+ dans le Val de Marne. Cette nouvelle organisation donne plus de ressources là où les revenus sont les moins élevés, mais malgré tout l’éducation prioritaire continue à être remise en question (voir par exemple cet article de 2016 suite à un rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), ainsi que celui-ci qui y répond). D’autre part, avoir une adresse dans une cité ou un nom à consonance maghrébine peut rendre plus difficile l’accès aux stages ou à l’embauche selon certaines études (voir cet article dans Le Figaro).

La réussite du Bois l’Abbé et des autres quartiers populaires est essentielle pour notre ville, et plus largement pour l’ensemble de notre société. J’ai voulu en savoir plus sur ces questions et il m’a semblé que le principal du collège Elsa Triolet était particulièrement bien placé pour les mettre en perspective. Son collège reçoit tous les élèves du quartier du Bois l’Abbé, qui passent d’abord par quatre écoles primaires des groupes Jacques Solomon et Anatole France. Monsieur Alain Chataud est arrivé au collège en 2010, et a accepté de me recevoir juste avant les fêtes de fin d’année 2017.

M. Chataud m’a expliqué qu’il est arrivé dans un collège tout neuf, reconstruit par le conseil départemental. Une première satisfaction: après 13 ans le collège reste toujours en parfait état, ce qui favorise le succès des élèves. Et si on compare les résultats au brevet le progrès pendant cette période est clair, passant de 48% de succès en 2009 à 83,5% en 2017, et il y a des élèves qui accèdent aux métiers prestigieux. Grace à son statut REP+ le collège dispose de tous les moyens nécessaires (psychologue, médecin..) Le PRE (programme de réussite éducative) mis en place par la Mairie dans le cadre du contrat de ville permet de recruter des professeurs pour une aide individualisée aux élèves après l’école. Le program ‘Devoir Fait’ lancé par l’éducation nationale devrait compléter ce soutien, limité par la difficulté de recrutement des professeurs mais aussi par leurs horaires. Un soutien avant l’école ou pendant la journée pourrait être plus utile quand les élèves sont moins fatigués.

Quelques initiatives du collège …

– Le collège héberge ‘Elsa Info’, une web radio où les élèves présentent des reportages sur des questions locales et nationales. 
Quelques-unes de ses émissions peuvent être écoutées ici.

– Les élèves d’Elsa Triolet participent aux joutes oratoires avec leurs confrères d’un autre collège de Champigny, Lucie Aubrac. 
Ces joutes ont été montrées dans un documentaire sur la chaine LCP, et les élèves ont été invité à débattre à l’Assemblée Nationale. Elles sont aussi l’objet de plusieurs articles de presse (par exemple dans Libération, et dans le Parisien.

Pour aller plus loin M Chataud considère que c’est sur les écoles primaires qu’il faudrait faire porter les efforts. Il y a un manque de postes de soutien dans ces établissements (psychologues, médecins etc..), et le recrutement des professeurs ne prend pas suffisamment en compte l’aptitude à travailler dans ce quartier prioritaire. Mais la réduction de la taille des classes en CP et en CE1 est un important pas en avant. Le collège travaille avec les écoles primaires depuis plusieurs années, en particulier pour faciliter l’intégration des élèves, et une association commune de parents d’élèves des écoles du quartier a été formée.

Après le collège 42% des élèves entrent dans l’enseignement professionnel, et 3 ou 4 % font un CAP.  Un problème existe dans les lycées professionnels qui ne s’adaptent pas suffisamment aux filières d’emploi d’aujourd’hui. J’ai demandé si ce constat concernait le lycée Gabriel Peri, implanté aussi au Bois l’Abbé – M Chataud a confirmé la bonne qualité de l’offre de ce lycée industriel où vont de plus en plus d’élèves d’Elsa Triolet.

Quelles sont aujourd’hui les difficultés du collège? Il n’y a pas de mixité sociale… les élèves viennent uniquement des quatre écoles du Bois l’Abbé, où les familles ont souvent des horaires de travail fragmentés, et les élèves n’ont pas toujours de bonnes conditions pour travailler chez-eux. Une proposition de modification de la carte scolaire pour inclure quelques rues voisines au Bois l’Abbé n’a pas abouti. C’est justement ce manque de mixité qui est ciblé dans le rapport critique du Cnesco, cité en début d’article. Mais comment remédier à cette situation quand l’implantation du logement en accession dans le quartier restera forcément limitée?
Le souhait de M. Chataud serait de reconstruire le groupe scolaire Jacques Solomon, envisagé dans le programme ANRU 2, à la périphérie de la cité, pour desservir aussi les quartiers environnants. Cette idée est actuellement en discussion.

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Les établissements scolaires du Bois L’Abbé sont éloignés des autres quartiers de Champigny